Mais dénonçons pour commencer la demi-arnaque : point de transformation monstrueusement velu au cours du métrage, le lycanthrope en titre ne voit se réveiller à la faveur du cycle lunaire qu'une force prodigieuse et un don de régénération wolverinien. Mais qu'importe les promesses fallacieuses (puisque cela fait souvent aussi partie du jeu de ce genre de productions issues de l'exploitation la plus crasse), la bestialité s'avère malgré tout au rendez-vous puisque notre créature fantastique est incarnée par Sonny Chiba, icône du faux cool qui se sera rêvé en Steve Mc Queen du soleil levant (on s'amuse d'ailleurs ici d'un poster du Mac négligemment accroché sur le mur d'une ruelle dans une scène de bagarre) mais a toujours eu du mal à faire taire sa violence instinctive. Il faut le voir ainsi, au cours de plusieurs scènes, faire son entrée dans une pièce et jouer du poing (et de la savate) avant de décrocher le moindre mot.
Un caractère volcanique qui ne se verra dompter (et sauver) que par des femmes, entre James Bond girls traîtresses à leur mauvaise cause et figures œdipiennes consommées, toutes sacrificielles. Là réside le principal attrait tordu de ce Wolf Guy : son traitement complètement décomplexé de la sexualité. Deux scènes sont à noter : la première voit une femme lécher du sang sur les doigts de notre héros lunaire puis implorer l'animal qui sommeille en lui.
La seconde ose un rapprochement en montage alterné entre le sein d'une nouvelle conquête et celui de la mère de Wolf Guy ! Et un rire éclatant en gorge du spectateur devant l'audace franchement culottée du cut, réplique sulfureuse ("tu es ma femme. Tu es ma mère.") à la clé. Même si l'on s'est habitué ici, avec le temps, à ce genre de saillies grotesques typiquement nippones, avouons que celle-ci précisément est franchement savoureuse.
Mais comme souvent dans ces productions délirantes, difficile de réduire la femme à un simple objet sexuel malgré l'apparente misogynie et le sadisme de l'ensemble. Comme précisé précédemment, notre héros lupin se voit littéralement mener par le bout de la queue et c'est bien la gente féminine qui, seule, le précipite dans un périple hautement périlleux et l'extirpe des impasses aux violences dans lesquelles il s'échoue. Pour preuve ce climax final entre femmes désespérées, au nihilisme si typique de l'exploitation japonaise.
Alors certes, Kazuhiko Yamaguchi (Sister Street Fighter et Wandering Ginza Butterfly, entre autres) n'est pas le réalisateur le plus flamboyant du pays et Wolf Guy ne possède pas la technicité virtuose (et signifiante) de la moindre pellicule d'un Norifumi Suzuki. Mais si l'on sait mettre de côté les plans tremblotants d'opérateurs parkinsoniens, son découpage s'avère plus dynamique et créatif que d'habitude. C'est sans doute dû à un script franchement rocambolesque, l'obligeant à enchaîner les séquences pied au plancher. Car pas moins de trois films cohabitent dans Wolf Guy.
Commencé ainsi en polar fantastique à l'ambiance crépusculaire où se croisent industrie du rock local, politiciens conservateurs véreux, drogue et viol collectif, le film dérive en cours de route vers la James Bonderie dépravée (avec organisation secrète et base idoine à la clé) avant de s'achever dans un trip naturaliste pas si éloigné des Baby Cart (dont le titre original est, rappelons-le, Kozure Ōkami, soit "le loup qui accompagne son petit"). Un récit, donc, tout en ruptures de ton et seulement tenu par l'intensité naturel de Sonny Chiba et la nécessaire acceptation du spectateur de certaines règles bafouées et piétinées dans une joie certaine : celles du bon goût et de la bienséance.
On avoue volontiers avoir ici quelques difficultés à refuser ce genre de plaisirs.
Le film disponible en VOSTFR sur l'admirable UFSF, c'est ICI.