Le roi Kong est de retour avec une pure série B d'aventure fantasy qui expose à chacun de ses photogrammes ses limites, mais réussit pourtant à conserver quelques charmes. Charmes qui vaut bien un article ici-même, le blog ayant une affection particulière pour ce gros mythe poilu survivant à chaque fois aux mauvais traitements qu'il subit, que ce soit face caméra comme en coulisses.

Nous avions laissé notre ami simiesque entre les pattes balourdes de Peter Jackson et son remake poético-lourdingue (souvenir traumatique d'une certaine scène de patinage sur glace...). Autant avouer que l'aspect programmatique de ce Skull Island nous faisait trépigner : promesse d'un titre qui ne chercherait pas LA version définitive du mythe, mais plutôt l'illustration en épisode d'une histoire trop grande pour dépasser le geste de pure poésie du film original. Kong : Skull Island, donc. Un titre modeste en soi, le Kong ayant perdu son King au passage, mais un titre qui flatte assurément l'imaginaire. Oui, mille fois oui, partons à la découverte de l'Île du Crâne ! Explorons cette terra incognita!


La balade est jouissive, convenons-en. Peuplé d'un bestiaire antédiluvien au gigantisme menaçant (mention spécial à l'étrange phasme-tronc d'arbre, créature évoquant un lointain ancêtre de Groot des Gardiens de la Galaxie), l'île fantastique l'est assurément. Et le film a l'intelligence de creuser ce sillon, développant toute une mythologie old school ancrée dans la fumeuse théorie de la Terre Creuse et érigeant notre héros simiesque au rang de vigile bienveillant luttant contre de monstrueuses forces telluriques prêtes à envahir le monde. Un joli développement à l'esprit totalement feuilletonesque qui nous vaut une action trépidante et généreuse réussissant à conjuguer les échappées les plus fantastiques d'Edgar Rice Burroughs aux monstruosités lovecraftiennes (les rampants du Crâne...). Pour culminer lors d'un combat final dantesque échappé d'un pur kaiju eiga, une des rares séquences véritablement lisibles et réussies d'un film qui frôle parfois le génie mais se vautre trop souvent dans le ridicule.

Car deux gros mauvais points sont à distribuer à ce Kong : sa réalisation et ses personnages. Commençons par les personnages. Falots, insipides, voire complètement cons, aucun n'emporte vraiment l'adhésion. La faute à une exposition ratée, lestant inutilement d'un arrière plan historique - la fin de la guerre du Vietnam - une histoire qui n'en avait pas besoin. On se retrouve ainsi avec des personnages dont tout est dit en une seule scène de présentation et qui n'évolueront pas au cours du récit. C'est particulièrement flagrant avec les personnages incarnés par Samuel Jackson et Tom Hiddleston. Le premier se retrouve cantonné dès son apparition au rôle de fou de guerre quand le second peine à dépasser son rang d'explorateur mystérieux et viriliste. Et les deux de cabotiner tellement que l'on en vient à avoir de la peine – et un peu honte – pour eux. Et même si ce problème de caractérisation s'estompe une fois la machine à péripéties enclenchée, on ne peut qu'en souligner les ravages au cours de récit, notamment lors de la mort bâclée de certains protagonistes (pauvre John Goodman, notamment).


Secundo, la réalisation... Il est toujours incroyable de constater les dégâts qu'aura pu causer un Michael Bay (au hasard...) sur la grammaire des blockbusters. Certaines séquences se présentent ainsi sans queue ni tête esthétique. Prenons par exemple l'arrivée sur Skull Island et la première rencontre barbare entre l'expédition et Kong. Pour débarquer sur l'île, les hélicoptères doivent traverser une zone dépressionnaire et fortement orageuse ceinturant l'archipel. Une lutte contre les éléments propre à ravaler notre orgueil de bipède qui nous vaut, sur le même argument et grâce à l’œil d'un George Miller, une séquence sublime dans le dernier Mad Max. Mais ici, c'est shakycam décérébrée avec pour seul lien, la voix en off radio de Samuel Jackson débitant un discours lénifiant. Même constat pour la séquence de Kong dessoudant la flottille d’hélicoptères, avec mention spéciale pour ce plan à l'intérieur d'un engin volant totalement illisible et qui dure, de plus, une éternité... des moments qui laissent véritablement éberlué.

Mais la réalisation ne rate pas tout. Un de ses mérites est de rejouer ainsi certaines images essentielles du conte simiesque sans s’appesantir. C'est ainsi la relation entre la belle et la bête, délicatement évoquée en trois temps, sans anthropomorphisme jacksonien plombant. C'est aussi l'image si symbolique de Kong se défaisant de ses chaînes, astucieusement placée lors du combat final. De trop courts instants qui font malgré tout pencher la balance - et notre cœur - du bon côté de la critique.

Bref, si nous ne sommes pas dans le pur plaisir bis que nous étions en droit d'espérer, Skull Island reste malgré ses gros défauts loin de l'accident industriel que peut être un Jurassic World. Il faut croire que cela tient à la force du mythe Kong, figure éternelle renvoyant l'homme à sa part d'animalité quand notre époque nous projette plus volontiers dans les machines tels des fantômes. Grands singes nous sommes, grands singes nous resterons.

Dimanche 23 avril 2017 - carnet de bord du capitaine.

Pas facile de garder un semblant de joie de vivre dans le marasme actuel, malgré les élans solaires qui viennent darder notre peau tanée par les vents cosmiques. L'autostoppeur de l'infini poursuit sa route dans l'adversité crasse des turpitudes terrestres, le regard (et les conduits auditifs) toujours tourné vers un horizon loin de la gravité des évènements.  Ce qui ne veut pas dire que nous sommes déconnectés du théâtre humain, non, plutôt détachés de ces élans réactionnaires qui vouent aux gémonies la moindre tentative de recul. La tête dans le guidon de mon incertitude, je fonce. Oh ma Gazoline, sens-tu venir le looping?

Un petit arrêt au restaurant avant la fin du monde.

Deuxième adaptation du manga de Kazumasa Hirai (après une production Toho en 1973), ce Wolf Guy échappé des studios de la Toei est un de ces objets pop dont le Japon a le secret, une arme de distraction massive s'aventurant aux confins du politiquement correct histoire de réveiller quelques rires francs et enfantins. Où l'innocence refleurit sur le tas de fumier des turpitudes adultes.

Le roi Kong est de retour avec une pure série B d'aventure fantasy qui expose à chacun de ses photogrammes ses limites, mais réussit pourtant à conserver quelques charmes. Charmes qui vaut bien un article ici-même, le blog ayant une affection particulière pour ce gros mythe poilu survivant à chaque fois aux mauvais traitements qu'il subit, que ce soit face caméra comme en coulisses.

En célébration du renouveau printanier, double ration de son pour les esgourdes curieuses. Au programme de ce double bill, un nouvel épisode de l'autostoppeur de l'infini, Hitchhike to a bigger world, escapade foncièrement aventureuse aux confins de mondes étranges, et Tutti i colori del nuovo disco, sélection, choisie dans la plus grande décontraction, de ce qui nous fait danser gaiement par ici.

Hitchhike to a bigger world, pour commencer.

Nous évoquions précédemment le tournage de Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? comme un acte fondateur. L'expression est sans nul doute grandiloquente mais pas sans fondement. Le fondement d'une fronde qui mènera au Nouvel Hollywood des années 70, l'acte qui cristallise les luttes intestines entre cadres hollywoodiens : acteurs, réalisateurs et producteurs, tous à s'écharper sur le même bûcher, mais pas pour les mêmes raisons (si ce n'est certaines vanités partagées).

La nouvelle création de Ryan Murphy n'allait évidemment pas échapper à nos radars, ayant par ici suffisamment louer les vertus d'American Horror Story et de Scream Queens (au passage, deuxième saison sublime – et malheureusement probablement dernière, tant le show satirique est incompris, mais nous y reviendrons prochainement). Feud, donc. Querelle, in french.

Apnée est le premier long métrage des Chiens de Navarre, pour faire court. Les Chiens de Navarre, c'est au commencement, sur scène (the world is a stage), une troupe libertaire et explosive, prosélytes du spectacle qui explose à la gueule du spectateur en grenade dégoupillée farceuse. Mais si le théâtre, c'est du cinéma (pour rester dans l'image), le cinéma, ce n'est pas forcément du théâtre.

Triste anniversaire s'il en est, celui du jour où l'enfer se déchainait sur terre, plus précisément sur les côtes japonaises, en enchainement catastrophique. Tout commença le 11 mars 2011 par un tremblement de terre, d'une magnitude 9,0, survenu au large des côtes nord-est de l'île de Honshū. Cela se poursuivit par un tsunami dont les vagues atteignèrent une hauteur estimée à plus de 30 mètres par endroits.

S'il est un réalisateur qui sait, à partir du découpage simple et lisible d'une scène de quotidien ordinaire, distiller une angoisse sourde, c'est bien Kiyoshi Kurosawa. Son récent Creepy, conte cruel de dé-inviduation où un ogre moderne vient manipuler et détruire des cellules familiales de l'intérieur, fourmille de ces instants saisissant le spectateur à la gorge par surprise, sans pour autant jouer d'artifices spectaculaires. Exemple avec une courte scène de repas complètement anxiogène.

Avec un peu de retard, on vous livre les nouvelles aventures de l'auto-stoppeur de l'infini, direction cette fois un système planétaire qui aura fait l'actualité terrestre ces dernières semaines, Trappist-1.
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