S'il est un réalisateur qui sait, à partir du découpage simple et lisible d'une scène de quotidien ordinaire, distiller une angoisse sourde, c'est bien Kiyoshi Kurosawa. Son récent Creepy, conte cruel de dé-inviduation où un ogre moderne vient manipuler et détruire des cellules familiales de l'intérieur, fourmille de ces instants saisissant le spectateur à la gorge par surprise, sans pour autant jouer d'artifices spectaculaires. Exemple avec une courte scène de repas complètement anxiogène.

Invités à manger chez leurs nouveaux voisins Takakura et Nogami, l'étrange monsieur Nishino (qui nous aura déjà gratifié de moments assez étranges) et sa fille Mio dégustent avec appétit les petits plats de madame Nogami quand Takakura se lève pour aller chercher une bouteille de vin. Le tour de magie de Kurosawa commence ici: La lumière est factuelle, de celle, clair, nécessaire à table.

De retour et s'apprêtant à déboucher la bouteille, Takakura, en arrière-plan, commence à interroger sèchement Nishino sur sa profession. Puis Takakura s'avance, et sert Nishino tout en continuant, confronté aux réponses évasives de Nishino, à lui poser des questions de plus en plus précises. Takakura retourne en arrière-plan, cut au moment où il disparait derrière Nogami qui vient de se lever. On notera qu'une part du trouble qui nait de cette séquence découle de sa frontalité (le premier - et le dernier - plan de la scène) tordue par un changement d'axe à angle droit, la séquence se trouvant dévitalisé de toute sa profondeur dans le cut . En résulte une réelle perte de repères spatiaux du regard, accentuant l'isolement de Takakura dans cette scène et jouant malicieusement sur le retour de la profondeur initiale en résolution.

Nishino se lève alors de table et sort lui aussi du plan, partant à la confrontation. Cut et panoramique sur Nishino s'avançant vers Takakura et entrant dans l'ombre fantastique en rôdeur autour de son hôte, entre séduction et mystère un poil menaçant, tel un prédateur en approche délicieuse de sa proie.

Et c'est bien tranquillement qu'il se remet à table comme si de rien n'était. Kurosawa à ce moment précis revient au plan initial et à sa lumière factuelle, dévoilant un Takakura exactement à la même place qu'au début de la scène (chose que le réalisateur avait astucieusement occulté à notre regard en cutant avec le passage de Nogami devant Takakura comme précédemment cité), les bras ballants, dans l'échec de sa tentative de prise en main.

Le loup est dans la bergerie. Et un vertige parmi d'autres saisissant le spectateur devant ce Creepy hautement inconfortable, fable sur l'identité fluctuante se terminant dans un cri libérateur et atrocement déchirant.

Dimanche 23 avril 2017 - carnet de bord du capitaine.

Pas facile de garder un semblant de joie de vivre dans le marasme actuel, malgré les élans solaires qui viennent darder notre peau tanée par les vents cosmiques. L'autostoppeur de l'infini poursuit sa route dans l'adversité crasse des turpitudes terrestres, le regard (et les conduits auditifs) toujours tourné vers un horizon loin de la gravité des évènements.  Ce qui ne veut pas dire que nous sommes déconnectés du théâtre humain, non, plutôt détachés de ces élans réactionnaires qui vouent aux gémonies la moindre tentative de recul. La tête dans le guidon de mon incertitude, je fonce. Oh ma Gazoline, sens-tu venir le looping?

Un petit arrêt au restaurant avant la fin du monde.

Deuxième adaptation du manga de Kazumasa Hirai (après une production Toho en 1973), ce Wolf Guy échappé des studios de la Toei est un de ces objets pop dont le Japon a le secret, une arme de distraction massive s'aventurant aux confins du politiquement correct histoire de réveiller quelques rires francs et enfantins. Où l'innocence refleurit sur le tas de fumier des turpitudes adultes.

Le roi Kong est de retour avec une pure série B d'aventure fantasy qui expose à chacun de ses photogrammes ses limites, mais réussit pourtant à conserver quelques charmes. Charmes qui vaut bien un article ici-même, le blog ayant une affection particulière pour ce gros mythe poilu survivant à chaque fois aux mauvais traitements qu'il subit, que ce soit face caméra comme en coulisses.

En célébration du renouveau printanier, double ration de son pour les esgourdes curieuses. Au programme de ce double bill, un nouvel épisode de l'autostoppeur de l'infini, Hitchhike to a bigger world, escapade foncièrement aventureuse aux confins de mondes étranges, et Tutti i colori del nuovo disco, sélection, choisie dans la plus grande décontraction, de ce qui nous fait danser gaiement par ici.

Hitchhike to a bigger world, pour commencer.

Nous évoquions précédemment le tournage de Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? comme un acte fondateur. L'expression est sans nul doute grandiloquente mais pas sans fondement. Le fondement d'une fronde qui mènera au Nouvel Hollywood des années 70, l'acte qui cristallise les luttes intestines entre cadres hollywoodiens : acteurs, réalisateurs et producteurs, tous à s'écharper sur le même bûcher, mais pas pour les mêmes raisons (si ce n'est certaines vanités partagées).

La nouvelle création de Ryan Murphy n'allait évidemment pas échapper à nos radars, ayant par ici suffisamment louer les vertus d'American Horror Story et de Scream Queens (au passage, deuxième saison sublime – et malheureusement probablement dernière, tant le show satirique est incompris, mais nous y reviendrons prochainement). Feud, donc. Querelle, in french.

Apnée est le premier long métrage des Chiens de Navarre, pour faire court. Les Chiens de Navarre, c'est au commencement, sur scène (the world is a stage), une troupe libertaire et explosive, prosélytes du spectacle qui explose à la gueule du spectateur en grenade dégoupillée farceuse. Mais si le théâtre, c'est du cinéma (pour rester dans l'image), le cinéma, ce n'est pas forcément du théâtre.

Triste anniversaire s'il en est, celui du jour où l'enfer se déchainait sur terre, plus précisément sur les côtes japonaises, en enchainement catastrophique. Tout commença le 11 mars 2011 par un tremblement de terre, d'une magnitude 9,0, survenu au large des côtes nord-est de l'île de Honshū. Cela se poursuivit par un tsunami dont les vagues atteignèrent une hauteur estimée à plus de 30 mètres par endroits.

S'il est un réalisateur qui sait, à partir du découpage simple et lisible d'une scène de quotidien ordinaire, distiller une angoisse sourde, c'est bien Kiyoshi Kurosawa. Son récent Creepy, conte cruel de dé-inviduation où un ogre moderne vient manipuler et détruire des cellules familiales de l'intérieur, fourmille de ces instants saisissant le spectateur à la gorge par surprise, sans pour autant jouer d'artifices spectaculaires. Exemple avec une courte scène de repas complètement anxiogène.

Avec un peu de retard, on vous livre les nouvelles aventures de l'auto-stoppeur de l'infini, direction cette fois un système planétaire qui aura fait l'actualité terrestre ces dernières semaines, Trappist-1.
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