Apnée est le premier long métrage des Chiens de Navarre, pour faire court. Les Chiens de Navarre, c'est au commencement, sur scène (the world is a stage), une troupe libertaire et explosive, prosélytes du spectacle qui explose à la gueule du spectateur en grenade dégoupillée farceuse. Mais si le théâtre, c'est du cinéma (pour rester dans l'image), le cinéma, ce n'est pas forcément du théâtre.

Alors on avait un peu peur, du coup, d'une mise en scène qui ne suive pas le sur-régime qu'imposent les comédiens. On se demandait comment l'art du découpage et du cadrage propre au cinéma allait s’accommoder au délire ambiant et débordant. On se faisait peur pour rien.


Apnée a la malice d'adopter la forme d'un road-movie, forme la plus déliée du cinématographe, la plus à même d'accueillir le flot créatif bouillonnant de la troupe. On suit donc l'échappée belle sur les routes de France d'un trio qui cherche un endroit pour se marier. À trois, donc. Toujours à buter sur les marges, à repousser les limites normatives d'une société qui a autant de mal à les regarder sans s'énerver qu'à s'empêcher de les rejoindre dans la joie presque enfantine qu'ils dégagent.

Ça commence dès le générique en faisant du patin à glace nus comme des vers, si ce n'est avec des masques de catcheurs mexicains sur la tête. Un générique en note d'intention blagueuse puisqu'on se doute bien que ce ne sont pas Céline, Maxence et Thomas qui patinent aussi élégamment et sportivement sous nos yeux ébahis (et on ne parle pas de se mettre à poil, ça, ils savent très bien le faire) ; mais voilà, déjà la magie du cinéma, d'entrée de jeu.


Et du jeu dans tous les sens du terme, et sans débander par la suite. On verra ainsi du montage alterné (cette scène hilarante de coaching social de Thomas montée avec celle de Maxence et Céline retournant un banquier pour créer un parc d'attraction). On verra aussi des jump cuts alimenter gaiement cette séquence du repas faussement familial, avec Claire Nadeau et Olivier Saladin en parents braqués et où la familiarité, la proximité et la construction sociale émergent de l'interstice, de ces trous d'air visuel naissant des plans manquants.

Et toutes ces scènes montées en cut automatique (comme l'écriture), s’enchaînant entre poésie à la sulfateuse évoquant Buñuel et sauvagerie du changement de braquet tel que le pratiquait le Monty Python. On rit, encore et encore, devant les audaces.


On suffoque aussi à l'occasion devant ces plans à la limite de la disjointure, ces images qui viennent sans prévenir nous saisir à la gorge. C'est ici ce môme astucieusement sur-éclairé dansant devant une voiture en feu ; c'est là ce bulldozer-tortue protégeant sur la plage des corps nus. C'est au final la soudaine combustion spontanée du trio, l'apnée terminal qui provoquera une dernière fois les lois de l'Univers : pas de fumée sans feu ; pas de feu sans air. Et pourtant...

Apnée est un grand bol d'air frais ET de l'asphyxie. C'est du cinéma à perdre d'haleine qui ne manque pas de souffle. C'est un beau paradoxe comme la vie.

Dimanche 23 avril 2017 - carnet de bord du capitaine.

Pas facile de garder un semblant de joie de vivre dans le marasme actuel, malgré les élans solaires qui viennent darder notre peau tanée par les vents cosmiques. L'autostoppeur de l'infini poursuit sa route dans l'adversité crasse des turpitudes terrestres, le regard (et les conduits auditifs) toujours tourné vers un horizon loin de la gravité des évènements.  Ce qui ne veut pas dire que nous sommes déconnectés du théâtre humain, non, plutôt détachés de ces élans réactionnaires qui vouent aux gémonies la moindre tentative de recul. La tête dans le guidon de mon incertitude, je fonce. Oh ma Gazoline, sens-tu venir le looping?

Un petit arrêt au restaurant avant la fin du monde.

Deuxième adaptation du manga de Kazumasa Hirai (après une production Toho en 1973), ce Wolf Guy échappé des studios de la Toei est un de ces objets pop dont le Japon a le secret, une arme de distraction massive s'aventurant aux confins du politiquement correct histoire de réveiller quelques rires francs et enfantins. Où l'innocence refleurit sur le tas de fumier des turpitudes adultes.

Le roi Kong est de retour avec une pure série B d'aventure fantasy qui expose à chacun de ses photogrammes ses limites, mais réussit pourtant à conserver quelques charmes. Charmes qui vaut bien un article ici-même, le blog ayant une affection particulière pour ce gros mythe poilu survivant à chaque fois aux mauvais traitements qu'il subit, que ce soit face caméra comme en coulisses.

En célébration du renouveau printanier, double ration de son pour les esgourdes curieuses. Au programme de ce double bill, un nouvel épisode de l'autostoppeur de l'infini, Hitchhike to a bigger world, escapade foncièrement aventureuse aux confins de mondes étranges, et Tutti i colori del nuovo disco, sélection, choisie dans la plus grande décontraction, de ce qui nous fait danser gaiement par ici.

Hitchhike to a bigger world, pour commencer.

Nous évoquions précédemment le tournage de Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? comme un acte fondateur. L'expression est sans nul doute grandiloquente mais pas sans fondement. Le fondement d'une fronde qui mènera au Nouvel Hollywood des années 70, l'acte qui cristallise les luttes intestines entre cadres hollywoodiens : acteurs, réalisateurs et producteurs, tous à s'écharper sur le même bûcher, mais pas pour les mêmes raisons (si ce n'est certaines vanités partagées).

La nouvelle création de Ryan Murphy n'allait évidemment pas échapper à nos radars, ayant par ici suffisamment louer les vertus d'American Horror Story et de Scream Queens (au passage, deuxième saison sublime – et malheureusement probablement dernière, tant le show satirique est incompris, mais nous y reviendrons prochainement). Feud, donc. Querelle, in french.

Apnée est le premier long métrage des Chiens de Navarre, pour faire court. Les Chiens de Navarre, c'est au commencement, sur scène (the world is a stage), une troupe libertaire et explosive, prosélytes du spectacle qui explose à la gueule du spectateur en grenade dégoupillée farceuse. Mais si le théâtre, c'est du cinéma (pour rester dans l'image), le cinéma, ce n'est pas forcément du théâtre.

Triste anniversaire s'il en est, celui du jour où l'enfer se déchainait sur terre, plus précisément sur les côtes japonaises, en enchainement catastrophique. Tout commença le 11 mars 2011 par un tremblement de terre, d'une magnitude 9,0, survenu au large des côtes nord-est de l'île de Honshū. Cela se poursuivit par un tsunami dont les vagues atteignèrent une hauteur estimée à plus de 30 mètres par endroits.

S'il est un réalisateur qui sait, à partir du découpage simple et lisible d'une scène de quotidien ordinaire, distiller une angoisse sourde, c'est bien Kiyoshi Kurosawa. Son récent Creepy, conte cruel de dé-inviduation où un ogre moderne vient manipuler et détruire des cellules familiales de l'intérieur, fourmille de ces instants saisissant le spectateur à la gorge par surprise, sans pour autant jouer d'artifices spectaculaires. Exemple avec une courte scène de repas complètement anxiogène.

Avec un peu de retard, on vous livre les nouvelles aventures de l'auto-stoppeur de l'infini, direction cette fois un système planétaire qui aura fait l'actualité terrestre ces dernières semaines, Trappist-1.
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